Jean-Marc nous a invités à remonter au XVIe siècle au début de l’assèchement de l’étang de Pujaut.
Après une halte devant le monument célébrant le 5e centenaire de la fin des travaux d’assèchement en 1612, nous longeons la roubine du Grès, la Terre du Roy, traversons le domaine Saint Hubert. JM nous fait découvrir l’erodium ciconium (bec de cigogne, de la famille des géraniacées). Nous retraversons la roubine et la départementale D177 pour emprunter une ancienne voie romaine jusqu’à la « crête » de l’Aspre pour amorcer le retour sur un plateau couvert de cystes cotonneux et diverses plantes de la garrigue, envahie par endroits par l’ailante arbuste originaire de Chine qui a rapidement colonisé les pays occidentaux, une des plantes les plus invasives de ces dernières décennies. Son nom de « frêne puant » vient de la similarité de ses feuilles avec le frêne, et de l’odeur fétide dégagée par toutes les parties de l’arbre lorsqu’on les frotte.
L’ailante a été cultivée en Chine pour l’élevage du ver à soie , et a été plantée en masse dans nos régions ces dernières décennies pour remplacer le mûrier. Sa croissance rapide en fait un arbre mal-aimé : les paysagistes l’évitent à présent en raison de sa croissance incontrôlable. En outre, son odeur désagréable peut gêner à la fois les riverains mais également la croissance d’autres plantes autour de l’arbre.
Nous faisons cueillette de thym en fleur pour des infusions bienfaitrices.
La vigne plantée au milieu de gros galets tient aussi une grande place sur le plateau, nous redescendons vers le village après une halte devant un moulin à vent décapité et la Vierge dite du Château. Recueillement dans l’église Saint Jacques et retour aux voitures.
Merci à Jean Marc pour cette découverte des environs d’un joli village du GARD.
Un peu d’Histoire
Avant l’assèchement de l’étang, la configuration de Pujaut était très différente de celle que l’on connaît aujourd’hui : les terres hautes sont recouvertes de forêts et offrent peu de terres cultivables. Au bas du village, les eaux d’un étang viennent mourir au pied des remparts de ce bourg et un château surplombe les habitations. Il sera ruiné pendant la croisade des Albigeois.
Les habitants de Pujaut vivent difficilement de la pêche et des produits de la chasse et des quelques pâturages découverts lors des périodes de sécheresse et la famine menace.
En outre, l’eau stagnante est propice au développement de maladies telles le paludisme.
Discussions, pétitions sont donc menées et la décision est prise de « dessécher » l’étang pour améliorer les revenus de la communauté, dès la fin du XIVe siècle.
En 1552, un premier projet n’aboutira pas.
En 1561, une requête est faite au Roi de France par trois nobles du cru, mais elle reste lettre morte.
En 1586, les consuls de Pujaut relancent le projet et confient cette entreprise à Hugues Pelletier, ingénieur à Salon, et élève de Craponne, rendu célèbre pour ses travaux de dérivation de la Durance.
En 1591, peu après son couronnement, Henri IV accorde finalement son autorisation pour le « dessèchement » de l’étang, en contre-partie de 100 salmées des terres asséchées (63 hectares).
Pelletier s’engage à réaliser sa mission en deux ans. Mais il fait rapidement faillite et les travaux sont interrompus.
En 1596, Jean de Frégueille du Gaud, écuyer et originaire de Réalmont reprend l’entreprise de Hugues Pelletier sans succès également.
Après ces essais infructueux, les habitants de Rochefort et de Pujaut se concertent afin de mener une action commune pour l’assèchement de leurs deux étangs qui assainira la contrée et transformera la situation agricole des deux communes.
En 1599 le Comte de Suze, Baron de Rochefort accorde l’autorisation de l’assèchement de l’étang de Rochefort (en contre-partie de 110 salmées à la Bégude-Blanche)
En 1603, les consuls des deux communautés de Pujaut et Rochefort confient donc cette gigantesque entreprise à un autre ingénieur, Claude de Montconis. Celui-ci doit assurer le financement des travaux par un emprunt qu’il fait auprès des Chartreux de Villeneuve qui exigent de lourds d’intérêts. Le Roi se réserve 100 salmées (63 hectares) des terres qui seront asséchées et Montconis 600 salmées. (Par la suite les Chartreux réclameront encore 100 salmées supplémentaires pour le passage d'un 2ème tunnel sous leurs terres de Four, permettant l’évacuation de l’eau vers le Rhône…)
Claude de Montconis parvient à accomplir la tâche mais il lui faut une prorogation du délai de deux ans auquel il s’était engagé et sa fortune personnelle est engloutie.
Il doit en effet faire face à des aléas climatiques ainsi qu’aux oppositions des pêcheurs qui voient leur source de revenus disparaître. Des négociations sont entreprises pour convenir d’accords de dédommagements. Il rencontre aussi des soucis de conception qui retardent l’avancement du projet avec des ouvrages parfois sous dimensionnés qui ne permettent pas d’évacuer suffisamment d’eau.
Le « dessèchement » complet de l’étang de Rochefort est finalement achevé en 1608, celui de Pujaut en 1612 !
Les eaux de l’étang de Pujaut sont drainées alors par un réseau de fossés, les « valats », se déversant dans un grand canal principal d’assainissement, la « roubine de l’étang », longue de 3,6 km. Les eaux sont ensuite évacuées vers le Rhône par un long tunnel.
Mais rapidement, les canalisations s’avèrent insuffisantes pour contenir les eaux lors de pluies importantes. Les terres et récoltes sont emportées, et le tunnel d'évacuation de l'étang n'est pas capable d'absorber le flot important des gros orages. Les Chartreux et les propriétaires des terrains récupérés sur les étangs et les marécages, se chargent alors du parfait assèchement en créant une nouvelle roubine, dite du Grès et un second tunnel, pratiquement parallèle au premier.
Le partage des terres est consacré par un acte public passé en l’étude de Maître Aubaret, notaire à Roquemaure le 9 décembre 1612 : 100 salmées (soit 63h) pour le domaine Royal, 100 salmées pour les Chartreux de Villeneuve et 1248 salmées (soit 788h) à partager entre Montconis et les habitants.
Un plan délimitant les parcelles de chacun est établi et annexé à l’acte.
Outre l’attribution de terres qui leur permet d’édifier les trois fermes encore présentes aujourd’hui, St-Hugues, St-Bruno et St-Anthelme, les Chartreux reçoivent la propriété de toutes les eaux provenant de l’écoulement des étangs, ce qui va leur permettre de construire des moulins à eau, notamment le moulin à farine de Four.
Ce nouvel espace de terres « volées » à la nature, où on cultivait principalement des céréales et où paissaient des troupeaux de moutons, reste en l’état pendant trois siècles.
Vous pouvez découvrir par un document vidéo de 17 minutes l’histoire de l’étang, des tunnels et des roubines, le patrimoine secret de Pujaut, en copiant le lien dans votre navigateur :
https://www.youtube.com/watch?v=K4r5BcWRCgI